Dans le cadre de la mise en oeuvre d’un projet de développement d’un portefeuille électronique pour les acteurs de la filière ananas au Bénin, notre équipe de consultants a mené, en début de mission, une étude de l’écosystème béninois des services financiers digitaux avec un focus sur l’utilisation qui en est faite par les acteurs du secteur agricole en général et par ceux de la filière ananas en particulier.
Cette étude préliminaire, sur la base d’entretiens individuels et de focus groupes, a conduit au constat de la difficulté pour ces acteurs d’accéder à un financement de leurs activités par le biais du secteur financier “classique”. Cet état de fait est lié à plusieurs facteurs.
Facteurs liés à la filière
- Déficit de formalisation de la filière: bien qu’impliquant presque 100 000 personnes, la filière ananas au Bénin souffre d’un déficit d’organisation se manifestant entre autres par le défaut de formalisation des contrats conclus entre acteurs (acquisition d’intrants, ventes de récoltes, etc.). L’implication directe étant l’impossibilité, pour l’agriculteur, de fournir un historique et des données chiffrées sur son activité (chiffre d’affaires, volume de production, coûts de production, etc.) en vue d’étayer un dossier de demande de crédit.
- Défaut de sûretés suffisante pour “garantir” les montants de financement demandés: les institutions financières, du fait du risque élevé lié au financement des activités agricoles, requièrent des garanties importantes afin d’atténuer ces risques. Les demandeurs de financement ne sont souvent pas en mesure de fournir le type de sûreté requise parce que leurs terres sont en copropriété ou n’ont pas fait l’objet d’un enregistrement légal auprès du cadastre, ou leur valeur ne permet pas de couvrir le risque évalué par l’institution financière.
- Insuffisance d’identification des personnes morales et physiques qui limite la possibilité d’accéder à des financements via le secteur financier formel.
- La chaîne de paiement se déroule en grande partie en espèces et donc échappe aux systèmes bancaires ; ce qui ne facilite pas l’implication des acteurs bancaires dans la filière.
Facteurs liés au secteur financier
- Inadaptation des produits de crédit proposés par les IF au cycle de production de l’ananas : le cycle de l’ananas pain de sucre au Bénin est de 15 à 18 mois ; il nécessite de décaisser des sommes importantes en début de cycle (achat d’intrants, rémunération de la main d’oeuvre, etc.). Les premiers retours sur investissement de l’agriculteur interviennent bien plus tard que le début des remboursements des échéances du prêt obtenu ; cela conduit à des retards et des défauts de remboursement.
- Rareté de mécanisme de gestion des risques : l’assurance agricole étant très peu développée et peu connue au Bénin, les mesures d’atténuation des risques liés aux activités agricoles sont peu existantes ayant un impact direct sur les taux d’intérêts en vigueur. Des initiatives existent cependant notamment via le FNDA (Fonds National pour le Développement Agricole) qui met à la disposition des institutions financières des fonds destinés à finencer le monde agricole à des taux préférentiels.
- Taux d’intérêt très élevés : les risques à l’activité à financer étant élevés, les taux d’intérêts pratiqués par les institutions financières sont très élevés et constituent un frein au recours à ce type de financement du fonds de roulement de ces producteurs.
Pour pallier ces difficultés de financement de leurs activités, les acteurs de la filière ananas ont mis en place des mécanismes de contournement au sein des clusters de la filière que nous décrirons dans un prochain article.